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" — S’il est vrai que la magie n’a pas toujours été utilisée à bon escient, elle n’a nul caractère démoniaque puisqu’elle nous vient des Dieux.

— Des Dieux ? Alors les Dieux ont vraiment existé ? s’enthousiasma Naomi, la voix étouffée.

— Oui, évidemment ! répondit Aaron d’une voix incrédule. La Grande Déesse a même créé votre monde. De quelle planète venez-vous ? Tout le monde sait que la tribu de Dana a cohabité avec nous !

— Il faut croire que non, se vexa Soanne.

— Aaron, raconte donc l’histoire des Dieux, puisque tout le monde la connaît, se moqua son frère.

— Très bien mais je pense que je vais tout reprendre depuis le début ! Quel étrange monde, vraiment... marmonna Aaron, faisant semblant d'être outré.

Ses deux petites sœurs se mirent à rire avant de partir en courant jouer dans les jardins. Elles avaient entendu ce récit tant de fois qu’elles le connaissaient par cœur.

— Au commencement de tout, il y avait une terre. C’était une très belle terre qui comptait de nombreuses prairies verdoyantes, d’immenses forêts, de hautes montagnes aux versants recouverts de landes, de mers déchaînées aussi sombres qu’un gouffre. Le premier peuple, venu de l’infini, est arrivé par la mer jusqu’à ses côtes en...

— Venu de l’infini ? l’interrompit Naomi.

— Oui, expliqua patiemment Aaron, l’infini. L’île était entourée d’un océan sans fin, sur lequel on pouvait naviguer des jours et des jours, même des années sans rencontrer autre chose que l’eau salée. On ne sait pas comment ces êtres se sont retrouvés à naviguer sur ces flots, ni d’où est-ce qu’ils venaient. Leur histoire a été oubliée au fil du temps. Il s’agissait du peuple de Césair. Ils n’étaient pas humains, comme nous, même s’ils nous ressemblaient énormément. C’était une autre race, tout simplement. Lorsqu’ils ont débarqués sur cette terre, ils ont tout de suite compris qu’elle était magique. Tous les hommes et toutes les femmes cessaient de vieillir à partir d’un certain âge et devenaient immortels, figés dans une éternelle jeunesse. Nul besoin de travailler sur cette île, qu’importe ce qu’on désirait, elle nous l’offrait. Le peuple vivait dans le plaisir et la simplicité. Mais une ombre venait entacher le bonheur des habitants. Les femmes, aussi belles soient-elles, étaient malheureusement infertiles. Dès qu’elles avaient posé un pied sur la grève, à la seconde où elles étaient descendues des bateaux, les traits de leurs visages s’étaient emplis de noblesse, de douceur et de pureté. Leurs yeux s’étaient mis à briller et scintiller soudainement de manière irréelle, la peau de leur corps reflétant mille diamants. Mais cette beauté enivrante cachait une insoutenable vérité et traîtrise : elles devenaient par là même incapables de procréer. Le don le plus précieux de la femme n’était plus que lointain souvenir, et bientôt plus aucun rire d’enfant ne se fit entendre. Cependant, l’île restait paradisiaque, et la promesse d’un bonheur absolu adoucit la peine de ces femmes et de ces hommes. Personne ne voulait en repartir. Néanmoins, l’île ne leur appartenait pas. Il faut croire qu’elle a voulu se débarrasser de ces êtres qu’elle ne reconnaissait pas comme les siens.

— Tu parles comme si l’île était vivante, l’interrompit Naomi en se relevant sur ses coudes.

— Elle l’était. Tu comprendras plus tard. L’île était vivante. Hélas, nous ne l’avons compris bien trop tard, et le mal était fait… Le peuple de Césair à péri noyé sous un déluge incroyable. Nous aurions pu croire qu’il s’agissait d’un tragique accident. Mais avec ce que nous savons, il ne fait aucun doute que l’île n’était pas innocente à ce carnage. Il n’est resté qu’un seul survivant qui a pu conter aux nouveaux habitants fraichement débarqués toutes les péripéties qu’il avait dû subir. Il s‘agissait des Fomoires, les géants de la mer. D’après les textes qu’ils nous restent, ils sont dépeins comme monstrueux, difformes, diaboliques. Après le raz-de-marée, l’île était redevenue aussi paradisiaque qu’avant, aussi paisible. Ainsi, lorsqu’un autre peuple, le troisième donc, arriva à son tour par l’océan, une guerre fit rage car aucun ne voulait partager cette terre qu’il croyait être sienne, jusqu’à ce qu’un des combattants soit anéanti ou mis en déroute. S’ensuivit une série de batailles au fur et à mesure que des hommes venus d’autres horizons débarquaient. Je ne raconterai pas en détails cette partie de l’histoire et de tous ces peuples qui se sont succédé au cours des temps. Si vous voulez absolument avoir tous les détails, demandez à Solven, il vous prêtera le Lebor gabála, enfin, il vous faudra peut-être le convaincre de vous laissez tourner ses pages, il ne s’en est jamais séparé depuis qu’il sait lire et il était précoce ! Ce livre renferme tous les récits de ces combats. Quoi qu’il doit bien le connaitre par cœur maintenant, après tant de temps à s’échauffer les yeux sur ces lignes ennuyeuses et poussiéreuses, hein frérot ?

Il fit un clin d’œil à Solven qui restait impassible avant de se tourner à nouveau vers Soanne et Naomi.

— Qu’est-ce que je disais déjà ? Ah, oui, après plusieurs années, enfin puisque le temps ne s’écoulait pas sur cette île, je ne peux pas vraiment vous donner un ordre de grandeur, s’agit-il pour nous de jours, de mois, d’années, ou même de…

— Décennies ? Millénaires ? se moqua gentiment Soanne.

— Très bien, fit-il mine d’être vexé. Les Dieux sont arrivés à leur tour. Les Tuatha Dé Dannan, la tribu de la Grande Déesse Dana, puisque tel était leur nom, naviguaient depuis les quatre îles au nord de tout sur cet océan infini, à la recherche de cette terre promise, terre d’espérance et d’espoir. C’était l’île sacrée, l’île divine, leur maison éternelle. Au cours des temps, ils lui avaient donné de nombreuses appellations, telles que Tir na n-Og, la Terre des Jeunes, Mag Meld, la Plaine du Plaisir, Avalon la Grande Ile, l’Ile des pommes de la connaissance, ou encore Tir Tairngire, la Terre du Bonheur. Ils connaissaient toutes ses vertus, et la légendaire beauté des femmes était parvenue jusqu’à eux. Lorsqu’ils mirent pied à terre, les autres peuples les attaquèrent pour protéger leur île bien aimée. Les Tuatha Dé Dannan les vainquirent tous sans exception. Ils vécurent ainsi quelques temps en seuls maîtres de l’île jusqu’à l’arrivée des humains, appelés les Gaëls, le jour de la fête de Beltaine qui rendait honneur au Dieu Lug, l’essence Lumineuse que nous tous ici adorons, afin de célébrer le début de la saison claire. Comme tous les autres peuples, ils se battirent pour prendre possession de l’île. Ils combattirent avec acharnement, sans répit, sans se reposer pendant des jours et des nuits. Mais les Dieux étaient bien plus grands que les hommes, plus forts, mais surtout, ils étaient en possession de la seule chose avec laquelle aucun homme n’était en mesure de rivaliser : la magie. "

A suivre...

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